- Qu'est-ce que la Loi sur les nouvelles en ligne (auparavant connue sous le nom projet de loi C-18) ?
- Les principales dispositions de la loi
- Pourquoi la Loi C-18 suscite-t-elle la controverse ?
- L'impact sur le monde des communications
- Conséquences pour les professionnels des communications
- Impact sur les campagnes de relations de presse
- Utiliser le marketing numérique pour soutenir les messages clés
- L'avenir des nouvelles en ligne et des communications
Les outils numériques ne cessent d'évoluer, ce qui nous force à changer constamment
nos habitudes afin de suivre le rythme. Depuis le début du web 2.0, notre consommation des médias s’est modifiée de façon drastique. En effet, de plus en plus d’utilisateurs délaissent les formats traditionnels pour des formats numériques. De plus, une partie grandissante des gens ne consultent plus ces médias qu’à travers les liens qui apparaissent dans leurs fils d’actualités sur les médias sociaux.
Or, l'annonce du projet de loi C-18: Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada (ou Loi sur les nouvelles en ligne dans sa forme abrégée) a soulevé de l’inquiétude de la part des géants du Web qui jugent le contexte de cette loi impossible à naviguer. Cette loi ayant été sanctionnée en juin, elle entrera en vigueur dans les 180 jours suivants son adoption, c’est-à-dire, en décembre.
Meta (Facebook,Instagram, etc.) a déjà bloqué de ses plateformes les contenus de site de nouvelles, avant même son entrée en vigueur, et Google a aussi annoncé que les contenus de nouvelles seraient retirés de leur plateforme lors de la mise en application de la loi, ce qui inclura les produits de Search, News et Discover et la Vitrine Google Actualités. Ces derniers ne pourront plus être utilisés au Canada.
Qu'est-ce que la Loi sur les nouvelles en ligne (auparavant connue sous le nom projet de loi C-18) ?
Afin de bien en comprendre l’impact, voici les grandes lignes de la Loi sur les nouvelles en ligne.
La loi sur les nouvelles en ligne cherche à rétablir l'équilibre de force sur le marché des nouvelles numériques en garantissant une rémunération pour les médias et les journalistes canadiens pour l’utilisation de leur contenu. Il introduit un cadre légal et
réglementaire pour que les intermédiaires numériques puissent négocier des
accords avec les médias canadiens pour diffuser leur contenu sur leurs plateformes.
La loi introduit aussi des termes qui n’étaient pas précédemment définis dans la législation canadienne, parmi lesquels nous trouvons entre autres :
- « entreprise de nouvelles Personne physique ou entité qui exploite un média d’information au Canada. (news business) »;
- « exploitant Personne physique ou entité qui exploite, par quelque moyen que ce soit, un intermédiaire de nouvelles numériques. (operator) »; et
- « intermédiaire de nouvelles numériques Plateforme de communication en ligne, notamment un moteur de recherche ou un service de réseautage social, qui relève de la compétence législative du Parlement et au moyen de laquelle un contenu de nouvelles produit par des médias d’information est rendu disponible aux personnes se trouvant au Canada. La présente définition exclut le service de messagerie dont l’objectif principal est de permettre aux personnes de communiquer entre elles en privé (digital news intermediary). »[1]
Les principales dispositions de la loi
La loi encadre l'obligation pour les intermédiaires de nouvelles numériques de conclure des accords avec les entreprises de nouvelles selon le processus établi.
Elle prévoit entre autres la tenue de négociations collectives par les médias d’information et tente de favoriser la conclusion d’ententes commerciales volontaires entre les plateformes numériques et les médias d’information qui seront par la suite soumises à l’État pour approbation ainsi que le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes (CRTC) étant l’organisme de réglementation désigné. Elle prévoit aussi en dernier recours un cadre d’arbitrage obligatoire dans les cas où les plateformes numériques et les médias d’information n’arrivent pas à conclure d’entente commerciale.
Pourquoi la Loi C-18 suscite-t-elle la controverse ?
Google et Meta ont été très vocaux dans leur opposition à cette loi. Ils ont indiqué que dans son format actuel, il leur serait impossible de travailler dans ces conditions et
préfèrent donc retirer le contenu de leur plateforme plutôt que de se soumettre
aux exigences. D’ailleurs, Meta a été le premier à quitter la table des négociations avant même l’adoption de la loi et le premier à suspendre les nouvelles de ses plateformes, optant très tôt dans le processus pour une position ferme.
Bien que le gouvernement fédéral soit toujours en pourparlers avec Google, il a qualifié l'attitude agressive de Meta « d’intimidation » et a annoncé qu'il cesserait toute
publicité sur Facebook et Instagram. Le gouvernement du Québec a aussi rapidement
emboîté le pas.
Nous assistons donc présentement à un véritable bras de fer entre le gouvernement canadien et les géants du web.
L'impact sur le monde des communications
Il va sans dire que cette situation a un impact sur une grande partie de la population canadienne. Selon une enquête du Digital News Report, en 2023, seulement 25% des répondants francophones ont indiqué ne pas avoir utilisé les médias sociaux pour trouver, lire, regarder, discuter ou partager des nouvelles dans la semaine précédant l’enquête[2], indiquant que 75% d’entre eux l’ont fait. Cela illustre qu’en retirant les
sources de nouvelles qui ont un devoir de rigueur journalistique, mais en laissant libre cours au reste du contenu potentiellement sans fondement vérifié, nous risquons de voir se propager de l’information erronée à une vitesse encore plus grande.
L’impact est encore plus considérable sur le domaine des communications et du journalisme. Avec le blocage des nouvelles, tous les organes d'information qui partagent leur contenu sur Meta ou dont les liens apparaissent sur Google seront affectés
négativement, mais les entreprises de nouvelles ne le ressentiront pas toutes à
la même échelle.
Les grandes entreprises de presse, telles que CBC/Radio-Canada, CTV, The Globe and Mail, La Presse, Québecor (Journal de Montréal, Journal de Québec, QMI, etc.) peuvent être en mesure de monétiser leurs applications ou d'attirer du trafic vers leurs sites
web en utilisant d'autres ressources. Cependant, les médias locaux plus petits
ne disposent pas d’autant de ressources et risquent de disparaître si leur contenu n'apparaît pas dans les moteurs de recherche ou les médias sociaux. Pas plus tard que le 11 août 2023, nous apprenions que Metro suspendait les activités de tous leurs journaux et sites Web communautaires. Cette situation inquiétante risque de continuer de se produire.
Conséquences pour les professionnels des communications
En tant que professionnels des communications, comment cela nous impacte-t-il? Qu’est-ce que cela va représenter pour nos clients? Comment les équipes des communications et marketing d’une entreprise peuvent-elles naviguer ce changement?
Impact sur les campagnes de relations de presse
Les relations de presse sont le secteur des communications corporatives qui risquent de prendre le plus grand coup. Par contre, ils ne disparaissent pas complètement et leur valeur en tant que leader d’opinion reste, et augmente même. L’indice CanTrust 2023 a d’ailleurs identifié que 47% des Québécois font confiance aux médias traditionnels, ce qui représente une hausse de 8 points depuis l’année précédente. En revanche, voici ce qu’on pourrait remarquer:
- Impressions: Moins de trafic vers les articles d'actualité en provenance des réseaux sociaux et des moteurs de recherche signifie moins de portée et moins d'impressions pour les articles que nous sécurisons.
- Performance: Plutôt que de fixer des objectifs en se basant sur des résultats des années précédentes, il faut les fonder sur la réalité de l'environnement d'aujourd'hui. Les objectifs doivent être atteignables. Ceci doit être compris à la fois par les agences en relation de presse, mais aussi par les communicateurs en entreprise qui ont des comptes à rendre à leur direction. C’est l'occasion de présenter et d'encourager la valeur globale de tous les indicateurs de performance, au-delà des impressions, telles que les scores de qualité et les mesures qui s'échelonnent jusqu'aux activités de l'entreprise.
- Outils de veille: L’utilisation d’outils de veille média spécialisés (MRP, Meltwater, etc.) deviendra plus importante lorsque les moteurs de recherche ne publieront plus de nouvelles. Les agences en relation de presse ayant recours à ces services spécialisés peuvent épargner temps et argent à leurs clients en leur proposant ces outils.
- La portée du contenu: Il devient important de varier les canaux de communication (ex.: couverture média organique et payée, médias sociaux organiques et payés), et d’élaborer des stratégies qui utilisent l’ensemble de ceux-ci. Il n’est pas rare d’amplifier du contenu produit par les médias pour s’assurer d’une portée maximale, mais cette stratégie devra être repensée, comme ce type de promotion payante sera appelée à diminuer.
Utiliser le marketing numérique pour soutenir les messages clés
- Concevoir une campagne 360: Chez Capital-Image, nous croyons fortement au succès des campagnes de communication intégrée, c’est-à-dire que nous utilisons plusieurs canaux de communications lorsque nous créons une campagne, dont le marketing numérique. Que ce soit sur les médias sociaux (organiques ou payants), en placement média dans une application ou en campagne sur les moteurs de recherche, le marketing numérique peut assurer que les messages clés puissent rejoindre leur audience cible de façon complémentaire aux relations de presse.
- Partager les nouvelles autrement: D’autres façons de promouvoir les articles d’une entreprise existent. Par exemple, une infolettre incluant du contenu pertinent et les dernières nouvelles peut être créée, supportée par une stratégie d’acquisition sur les médias sociaux, afin d’amener notre base de fans vers ce canal.
L'avenir des nouvelles en ligne et des communications
Il va sans dire que le dossier est loin d’être clos et que les professionnels en communication canadiens suivent de près l’évolution de celui-ci. Mais une quantité de pays ont aussi les yeux rivés sur le dénouement de cette situation, alors que plusieurs d’entre eux cherchent à mettre à jour les lois qui encadrent les plateformes numériques. Cette situation entraîne des répercussions majeures dans la vie politique et c’est donc un sujet qui concerne l’ensemble des citoyens.
De plus, l’intention de cette loi met de l’avant la nécessité de mettre en place des barèmes de représentativité et de financement des médias de diverses communautés, tout en reconnaissant l’apport des médias locaux dans l’écosystème des communications au Canada.
Il a fort à parier qu’une évolution de la loi et de son champ d’application aura lieu et que, malgré tout, sa mise en application sera complexe. Si on s’attarde à ce qu’il s’est
passé en 2021 en Australie dans un contexte similaire, Facebook avait annoncé
bloquer les nouvelles, pour finalement s'entendre avec le gouvernement avec un
compromis où les médias locaux seraient indemnisés par Facebook et Google.
Peut-être verrons-nous naître un compromis au Canada, si les négociations sont
encouragées de part et d’autre de la table des négociations?
D’ici là, nous sommes à l’affût des développements dans le dossier et de l’impact que cela a sur le travail en communication. C’est le temps, plus que jamais, d’investir dans des stratégies solides de communication intégrée et de faire appel à des experts
agiles et créatifs pour faire face aux nouveaux défis de l’industrie.
[1] Loi sur les nouvelles en ligne L.R.C. (2023), ch. 23
[2] Le Digital News Report (DNR) est une enquête internationale pilotée par le Reuters Institute for the Study of Journalism de l’Université d’Oxford. Déployée dans 46 pays en 2023, elle s’intéresse aux pratiques et aux perceptions des consommateurs d’information, enparticulier aux questions relatives à l’information en ligne. Le Centre d’études sur les médias (CEM) est responsable du volet canadien de l’enquête.